• La retraite et le deuxième cercle

    Sauf si vous êtes un ermite au milieu d’un désert, disons-le tout de go, il est impossible de vivre seul. Nous dépendons les uns des autres, ne serait-ce que pour la fourniture de biens courants, comme l’électricité, par exemple.

    Toutefois, savoir que certains travaillent pour que vous soyez éclairé et chauffé risque d’être insuffisant si vous vous retrouvez sans échanger le moindre mot avec qui que ce soit pendant plusieurs jours.

    Bien sûr, il y a toujours au moins le boulanger ou l’aide-ménagère, mais soyons clair, ces brèves conversations sont très limitées. Vous avez besoin, nous avons tous besoin, plus ou moins, d’être reconnus, de partager, de faire fonctionner nos méninges, d’avoir des ressentis.

    Pourquoi en parler maintenant, alors que vous êtes à peine au seuil de la retraite, entouré de votre famille, de collègues et d’amis ? Tout simplement parce que cet état, qui vous paraît si naturel, nécessite d’être entretenu pour pouvoir durer.

    Certes, il y aura toujours des relations ; le boulanger, le docteur, le plombier, le voisin, avec qui vous échangez considérations pratiques et bonjour-bonsoir. Ils sont nécessaires, utiles, indispensables. Mais sont-ils ceux qui comptent pour vous ?

    Examinons les deux catégories de ceux qui comptent :

     

    Le premier cercle : la famille proche, c’est-à-dire vos parents, vos frères et sœurs, votre conjoint, vos enfants. Ils vous connaissent, parfois mieux que vous ne vous connaissez vous-même. Ils ont partagé avec vous les peines, les peurs, les espoirs, les joies. Chacun d’entre eux porte une part de votre histoire, que nul autre ne peut connaître, comprendre aussi bien. Ils sont nombreux, ou non. Vous vous entendez bien, ou pas.

    Sauf remariage ou adoption, il ne vous est pas possible d’agir pour agrandir ce cercle : c’est désormais la tâche de vos enfants, à chaque nouvelle naissance.

    Mais vous pouvez vous efforcer de faire le nécessaire pour que les liens perdurent, malgré les exigences des vies professionnelles ou les choix de vies de chacun.

     

    Le deuxième cercle : les amis. Ce sont ceux avec qui vous avez développé des affinités, avec qui vous pouvez partager une part de soucis et de joies. Ils peuvent être issus de la famille, cousins proches ou éloignés, ou venir de simples rencontres, de voisinage, dans des activités communes, ou à l’occasion de loisirs.

    Avec le temps, au fur et à mesure que le premier cercle diminuera ou se dispersera, ce seront souvent ceux que vous verrez le plus, ceux qui seront le plus à même de vous comprendre, de vous aider. Vous pouvez parfois discuter avec eux de sujets que vous n’aborderiez jamais en famille.

    Un atout immense de ce deuxième cercle, c’est que sa taille, sa richesse, ne dépendent que vous. C’est vous qui le construisez, qui choisissez ceux qui en font partie.

    En contrepartie de cet atout, le problème de ce deuxième cercle, c’est qu’il vous faut le construire, justement. Et pas seulement : il vous faut aussi l’entretenir avec soin. Nourrir les liens, en créer de nouveaux pour remplacer ceux qui disparaissent ou s’éloignent comme pour s’adapter aux changements au fil des années.

    Pour certains d’entre vous, ce sera facile. Pour d’autres, il faudra apprendre à essayer, à surmonter de petites ou de grandes déceptions, à accepter de nouveaux regards. C’est important, car si ce cercle compte moins d’amis que les doigts d’une main, il y a un vrai danger d’isolement.

     

    C’est pourquoi il est utile d’en parler dès à présent. Regardez ce qui se passe autour de vous, chez ceux qui ont 10, 15 ou 20 ans de plus. Le temps passe vite. Les habitudes se prennent vite. Quand vous serez en retraite, il sera si facile de vous consacrer à vos envies, de vous centrer sur vos propres soucis, que vous pourriez oublier la nécessité d’entretenir ce deuxième cercle.

    Aussi, pensez-y.

    Restez impliqué dans le premier cercle, bien sûr. Même s’il vous faut y trouver une nouvelle place, différente du rôle que vous y aviez.

    Bien sûr, n’oubliez pas le troisième cercle : relations, connaissances indispensables à la vie de tous les jours.

    Mais souciez-vous aussi de ce deuxième cercle. Faites régulièrement le test de recenser ceux qui s’y trouvent. S’ils vous semblent devenir moins nombreux, réagissez. Une amitié, c’est une ouverture, des échanges : elle a besoin d’être initiée pour naître, contrôlée pour éviter d'éventuels abus, puis entretenue pour grandir. C'est un subtil équilibre entre dons réciproques, jamais garantis. N'en perdez pas l'habitude !

     

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